Parcours historiographiques
Judaïsme et histoire
Sélection et présentation par Étienne Anheim, avec la collaboration de Nicolas Stromboni
La publication dans le numéro 69-4 de 2014 d’un dossier « Antisémitisme et histoire » peut être l’occasion d’une mise en perspective des travaux parus dans la revue sur le judaïsme et son histoire. En effet, comme le dit la présentation du dossier, il s’agit aussi d’inscrire l’antisémitisme dans un horizon plus large. Tout d’abord, celui d’une histoire du judaïsme qui ne se réduise pas à lui, qui ait sa force, son intérêt et sa place propres, et non une enclave historiographique marginale ou encore, à l’inverse, le lieu où se révélerait le destin de l’Occident. Mais il y a plus. L’antisémitisme ne concerne pas que l’histoire du judaïsme : c’est un phénomène dont l’analyse pose des problèmes d’histoire générale et qu’il faut considérer comme tel. Comme l’écrit Maurice Kriegel dans son article : « L’histoire des Juifs présente l’un des grands drames de l’histoire des hommes ; cela suffit pour qu’elle interpelle chacun. Promouvoir l’histoire de leur figure fantasmatique, qui est une dimension de leur histoire globale, comme si elle avait servi de pierre d’angle à la construction de ‘l’Occident’, c’est installer l’histoire des Juifs dans une position centrale. […] on fait fausse route aussi bien en l’excluant du cours de la ‘grande histoire’ qu’en lui attribuant cette position centrale qu’elle n’a pas 1. »
C’est ce que les Annales tentent de faire en publiant ce dossier, qui fait écho à celui consacré aux juifs et aux chrétiens du Moyen Âge en 2012. En en modifiant la perspective, cet effort complète le travail mené de loin en loin par la revue depuis la fin des années 1950 avec la publication d’articles de Simon Schwarzfuchs, puis de Léon Poliakov ou David Feuerwerker. Cette démarche a connu un premier tournant dans les années 1993-1994 avec deux numéros spéciaux, « Présence du passé, lenteur de l’histoire. Vichy, l’occupation, les juifs » (48-3, 1993), consacré à la déportation et à sa mémoire, sous la responsabilité de Lucette Valensi, et « Histoire juive, histoire des juifs : d’autres approches » (1994, 49-5, sous la responsabilité de Sylvie Anne Goldberg). De l’histoire économique et sociale des communautés juives à l’histoire des camps d’extermination ou de l’antisémitisme, les objets et les méthodes se sont certes profondément modifiés, en suivant à la fois l’évolution générale des débats historiographiques et le rythme propre à un domaine de recherche traversé par des enjeux politiques et sociaux majeurs. Mais reste l’attention à une histoire singulière, que l’opération historiographique doit s’attacher à ne rendre ni banalement ordinaire, ni purement exceptionnelle. Car il s’agit de faire science de cette singularité qui nous rappelle, plus qu’une autre, que nous sommes engagés dans le même monde que nos objets.
Des années 1950 aux années 1980
Simon Schwarzfuchs, « Dans la Méditerranée orientale au xvie siècle : les marchands juifs », 12-1, 1957, p. 112-118.
Léon Poliakov, « La communauté juive à Rome aux xvie et xviie siècles », 12-1, 1957, p. 119-122.
Gérard Nahon, « Le crédit et les juifs dans la France du xiiie siècle », 24-5, 1969, p. 1121-1148.
Christian Castellini, « Le rôle économique de la communauté juive de Carpentras au début du xve siècle », 27-3, 1972, p. 583-611.
Paul Veyne, « Les juifs et le judaïsme dans le monde (note critique) », 29-5, 1974, p. 1291-1305.
Reinhold Mueller, « Les prêteurs juifs de Venise au Moyen Âge », 30-6, 1975, p. 1277-1302.
Sasha Weitman, « Prénoms et orientations nationales en Israël, 1882-1980 », 42-4, 1987, p. 879-900.
Un tournant dans les années 1990
Numéro spécial « Présence du passé, lenteur de l’histoire. Vichy, l’occupation, les juifs »
Lucien Vidal-Naquet, « Journal (15 septembre 1942-29 février 1944) », 48-3, 1993, p. 513-543.
Daniel Cordier, « La résistance française et les Juifs », 48-3, 1993, p. 621-627.
Henri Szwarc, « Souvenirs : l’étoile jaune », 48-3, 1993, p. 629-633.
Suzanne Achache-Wiznitzer, « Souvenirs : les fragments d’un puzzle », 48-4, 1993, p. 667-671.
Liliane Klein-Lieber, « Témoignage sur les opérations de sauvetage », 48-4, 1993, p. 673-678.
Simone Veil, « Réflexions d’un témoin », 48-3, 1993, p. 691-701.
Annette Wievorka, « 1992. Réflexions sur une commémoration », 48-3, 1993, p. 703-714.
James E. Young, « Écrire le monument : site, mémoire, critique », 48-3, 1993, p. 729-743.
Michaël R. Marrus, « Regard sur l’historiographie de l’Holocauste », 48-3, 1993, p. 773-798.
Hillel J. Kieval, « La vie de la communauté juive en Pologne au xviiie siècle (note critique) », 49-3, 1994, p. 671-680.
Numéro spécial « Histoire juive, histoire des juifs : d’autres approches »
Ivan G. Marcus, « Une communauté pieuse et le doute. Mourir pour la Sanctification du Nom (Qiddouch ha-Chem) en Achkenaz (Europe du Nord) et l’histoire de rabbi Amnon de Mayence », 49-5, 1994, p. 1031-1047.
Benjamin Braude, « Les contes persans de Menasseh Ben Israël. Polémique, apologétique et dissimulation à Amsterdam au xviie siècle », 49-5, 1994, p. 1107-1138.
Lois C. Dubin, « Les liaisons dangereuses. Mariage juif et État moderne à Trieste au xviiie siècle », 49-5, 1994, p. 1139-1170.
Eli Yassif, « Entre culture populaire et culture savante. Les exempla dans le Sefer Hassidim », 49-5, 1994, p. 1197-1222.
Moshe Idel, « Mystique juive et histoire juive », 49-5, 1994, p. 1223-1240.
David Nirenberg, « Les juifs, la violence et le sacré », 50-1, 1995, p. 109-131.
Jean Baumgarten, « La littérature juive en langue yiddish (xvie-xviie siècles). Crise religieuse, culture vernaculaire et propagation de la foi », 51-2, 1996, p. 491-511.
Joseph M. Baugmarten, « La loi religieuse de la communauté de Qoumrân », 51-5, 1996, p. 1005-1025.
Francine Kaufmann et Aharon Oppenheimer, « L’élaboration de la halakha après la destruction du Second Temple », 51-5, 1996, p. 1027-1055.
Donatella Calabi, « Les quartiers juifs en Italie entre xve et xviie siècle. Quelques hypothèses de travail », 52-4, 1997, p. 777-797.
Roni Weinstein, « Rituel du mariage et culture des jeunes dans la société judéo-italienne. xvie-xviie siècles », 53-3, 1998, p. 455-479.
Années 2000 à aujourd’hui
Elliott Horowitz, « Le peuple de l’image. Les Juifs et l’art », 56-3, 2001, p. 665-684.
Laurence Podselver, « La techouva. Nouvelle orthodoxie juive et conversion interne », 57-2, 2002, p. 275-296.
Jacques Revel, « Une condition marrane ? », 57-2, 2002, p. 335-345. [Cet article traite du livre de Nathan Wachtel, La foi du souvenir, Paris, Le Seuil, 2001 et ressemble dans la forme à un compte rendu]
Christian Ingrao, « Conquérir, aménager, exterminer », 58-2, 2003, p. 417-438.
Avi Shlaim, « La guerre des historiens israéliens », 59-1, 2004, p. 161-169.
Valérie Theis, « Jean XXII et l’expulsion des juifs du Comtat Venaissin », 67-1, 2012, p. 41-77.
Notes
1 - Maurice Kriegel, « L’esprit tue aussi. Juifs ‘textuels’ et Juifs ‘réels’ dans l’histoire », Annales HSS, 69-4, 2014, p. 875-899, p. 885.
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